Orel Saint Marc

samedi 27 décembre 2008

CARNETS DE VOYAGE

http://coimeres14-18.blogspot.com/

Jean Saint Marc dit Orel est né à Coimères le 5 novembre1896. Il a vécu jusqu'à 95 ans dans la maison où il a vu le jour (ci-contre), puis est allé habiter en 1991 chez son beau fils Gérard Séret à Auros. Il a été élévé au grade de la légion d'honneur par décret du président de la république le 3 novembre 1995 ; il est décédé le 19 juillet 1997 à Auros.
Mobilisé en 1916, il rejoint le 37e d'infanterie. Campagne de France, Verdun, Belgique avant de rejoindre l'orient.
Il préfère ne pas parler des atrocités de la guerre,"ça ne se dit pas" Il a pris du plaisir à rédiger ces carnets de voyage qu'il considère comme un "voyage d'agrément".
Il relate ci dessous le périple qu'il a accomli après la guerre quand on l'a envoyé d'avril 19 à septembre 19 occuper la Turquie.

Mémoires et impressions de voyage
d’Orel Saint-Marc



Mémoires et impressions balkaniques


Avant propos


C’est le 18 avril 1919 à 6 heures du soir que j’ai reçu l’ordre de rejoindre le 140ème d’Infanterie en renfort pour l’Orient. En ce moment-là je faisais partie du 37ème d’Infanterie avec lequel j’avais combattu pendant la durée de la campagne et c’est le cœur gros que j’ai dû quitter de si bons camarades avec lesquels j’avais passé de rudes moments.
Après avoir fêté mon départ, je quittais enfin Toul où se trouvait la 9ème compagnie dont je faisais partie et je partais embrasser ma famille, ayant obtenu 6 jours de « perme » ( permission). Le 2 mai je repartais enfin pour Grenoble, satisfait des quelques bonnes journées que je venais de passer. Après Marmande et Agen, j’arrive à Toulouse. Ayant une heure d’arrêt j’en profite pour voir un peu la ville qui est très belle, propre, de belles rues et des maisons neuves élégantes. La culture est pour bien dire la même que dans la Gironde. Agen est renommée pour ses prunes. De Narbonne à Sète nous traversons de grandes plaines de vignes. Pour la première fois, j’aperçois la Méditerranée à Sète.
A Tarascon, je remonte la vallée du Rhône par Arles et Orange, vallée qui parfois se trouve si resserrée entre les Cévennes et les Alpes qu’il y a à peine la place pour le fleuve et la voie ferrée. Jusqu’à Valence, je continue à longer le Rhône. On cultive l’olivier, le mûrier, la vigne, les pêchers, il y a aussi des céréales. De Valence à Grenoble, je longe l’Isère qui coule entre les monts des Alpes. La culture est plus pauvre : noyers, pâturages. Dans la montagne, on extrait du kaolin. En général, le paysage est très pittoresque, les montagnes sont assez élevées pour conserver la neige une partie de l’année. J’arrive enfin à Grenoble le 4 mai à 10 heures du soir. Le lendemain, je suis affecté au 175ème régiment de marche et je passe un mois bien tranquille n’ayant rien à faire. La ville est assez importante et sûrement des mieux entretenues qu’on puisse trouver. La vie y est agréable, il n’y a peut-être pas l’amusement qu’on trouve dans certaines villes du nord ou de l’est mais on trouve des distractions malgré tout, surtout aux environs lorsqu’on va en excursion vers le pont du Drac, Sassenage, pont de Claix, petits villages au pied de la montagne connus des touristes. L’Isère coule presque tout autour de la ville, une eau trouble toute l’année et avec un fort courant. Grenoble est connue pour son université et pour le tourisme. Elle possède de belles rues, des maisons importantes et des places ombragées ou affluent les promeneurs.

vendredi 26 décembre 2008

1ère étape vers l'Orient

C’est le 6 juin à 5 heures du soir que nous quittons Grenoble ; en ce moment commence mon voyage vers l’Orient dont je ne suis point fâché de faire connaissance. Je ne regrette pas le trajet par Valence jusqu’à Tarascon que j’ai vu déjà, mais avant d’arriver à Marseille, je suis émerveillé par une nappe d’eau que je croyais être la mer et qui en réalité n’était que l’étang de Berre. Ce lac a 75 km de circonférence. Le pays est aussi très pittoresque, on cultive la même chose que dans toute la vallée du Rhône. A Marseille nous avons 4 heures d’arrêt, on en profite pour voir la ville. Pour une grande ville, elle est réellement moche, ancienne, des rues sales, étroites, toutes en côtes. Excepté la Cannebière et Pradeau qui sont bien entretenues et où l’on trouve de riches maisons, la ville n’est pas intéressante. Ce qui fait l’importance de la ville, c’est le port qui fait un commerce très important. Il y a un beau pont transbordeur, sur l’île se trouve le château d’If. Sur les quais, j’ai vu des chameaux et j’ai en même temps vu le départ d’un paquebot.
A 6 heures du soir, nous quittons Marseille ; à La Ciotat, on s’arrête mais par pour longtemps : ici, on construit des navires. Après avoir passé le port de guerre de Toulon, nous longeons la mer aux flots bleus, de temps à autres, on aperçoit quelques voiliers de pêche tandis qu’à gauche, on aperçoit toujours les Alpes. La vallée est riche en céréales, prairies, il y a aussi des pins et beaucoup de fleurs.
A 11 heures du soir, nous arrivons à Puget sur Argens où se trouve le camp de l’armée d’Orient ; là, nous devons attendre 7 jours avant de continuer notre route. Là aussi, la vie n’a pas été trop mouvementée vu qu’on ne faisait rien. On était à 7 km de la mer. Le pays dans cet endroit n’est pas très riche : beaucoup de forêts de pins et de terres incultes, quelques champs de vigne, des mûriers et c’est à peu près tout. Pendant notre séjour au camp, il est arrivé plusieurs détachements de permissionnaires qui ne se plaignaient pas de la vie et du bon temps qu’ils avaient passé, c’est ainsi que j’apprends que mon régiment, qui se trouvait à Sébastopol, avait été forcé d’abandonner la ville aux Bolcheviks et était rentré en Roumanie où ils étaient bien reçus. Le village n’était pas bien important, ce qui prouve qu’en 7 jours, je ne suis sorti que deux fois, ayant autant de plaisir à faire une petite promenade à travers les champs à la tombée de la nuit, le jour, la température étant très chaude, je restais à l’ombre.

itinéraire:
http://maps.google.fr/maps?f=d&saddr=grenoble&daddr=valence+to:marseille+to:puget+sur+argens+to:g%C3%AAnes&hl=fr&geocode=&mra=ls&sll=44.37884,6.569824&sspn=2.331961,5.097656&ie=UTF8&ll=44.300264,6.82251&spn=2.335087,5.097656&z=7

jeudi 25 décembre 2008

2ème étape:l'italie

L'ITALIE

http://www.google.fr/search?hl=fr&q=carte+d%27italie&meta=&aq=f&oq=
Nous quittons enfin Puget le 14 juin à 10 heures du matin, nous rejoignons la mer par Fréjus et St Raphaël où je vois amerrir des hydravions. Agay : panorama splendide, plage. Cannes et Antibes, très belles cités au bord de la mer. Nice, « la reine de la côte d’Azur », très belle ville aux maisons variées, très beaux jardins, des fleurs de toutes sortes, palmiers, mimosas, fleurs et plantes rares poussent là à l‘état sauvage, sans culture.Le voyage se déroule parfois entre les monts, suivant les incidents de terrain, nous passons soit un tunnel soit un viaduc pour regagner ensuite la côte faisant de grands demi-cercles pour éviter les collines. En général, le paysage est très pittoresque et le panorama splendide. Monaco, Monte-Carlo et Menton, dans le fond du golfe, donnent un aspect grandiose à cette côte azurée. Chaque printemps, ces belles cités sont le rendez-vous d’une foule d’étrangers avides de joies et de plaisirs. Dans toute cette région, j’étais surpris de voir tant de fleurs de toute sorte ; roses, œillets, géraniums poussent là à l’état sauvage. Les citronniers, orangers et oliviers sont ici en grand nombre. Après avoir traversé bon nombre de tunnels, nous arrivons enfin à la frontière à 16 heures 30 du soir. En gare de Vintimille, nous restons ici une heure. Maintenant, ce sont des Italiens qui vont nous conduire. Un dernier regard sur cette belle France que l’on quitte avec l’espoir d’un prompt retour, et nous voilà partis à travers l’Italie où les mœurs ne sont pas bien différentes de chez nous. Maintenant, nous marchons sur une voie unique tout en longeant la mer mais nous avons tant de tunnels à franchir, que parfois nous restons sous terre autant qu’à l’air.
San Remo : on longe toujours la mer, à gauche, la montagne s’éloigne de quelques centaines de mètres, dans ce petit espace, on voit des champs d’œillets, du jardinage et des vignes. Après être passé à Onéglia, port assez important, nous arrivons à Gènes dans la nuit. Nous avons une heure de halte, on en profite pour toucher les vivres du lendemain. Nous repartons le 15 à 3 heures du matin. Au réveil nous sommes à Riva Tugosa, chantier naval. Nous sommes toujours au bord de la mer, nous passons sous un tunnel presque continu avec vue sur la mer de temps à autres. On arrive à Moneglia où les roches sont à pic au bord de la mer, on continue notre voyage presque tout le temps sous terre. A Morava, la pente devient plus rapide, on entre en plaine : sur le flanc des coteaux, on cultive la vigne, formant des marches d’escaliers, ce qui donne un drôle d’aspect.
A 10 heures 30, nous arrivons à Spiza, ville importante, nous avons une heure d’arrêt. Les maisons sont d’aspect bizarre, la plupart sont peintes en toutes couleurs avec des dessins variés, la culture est presque nulle et consiste au jardinage et à la culture des fleurs. Nous quittons la mer et entrons en plaine : le pays est encore pittoresque. A Arcola ,il y a encore des collines mais la culture est plus importante, on trouve de la vigne et des céréales. Nous sommes enfin à Spézia, je ne connais pas cette ville plus qu’une autre mais ce qui lui donne une importance pour moi, c’est qu’ici, commence la voie double, nous irons ainsi beaucoup plus vite car jusqu’à présent, nous avons perdu beaucoup de temps dans les gares à attendre les trains. En arrivant à Sarzanna, nous sommes en plaine et la culture est plus conséquente mais nous voilà de nouveau au pied des montagnes. A Avenza et Massa se trouvent des carrières de marbre dans la montagne, en premier lieu, nous croyions que c’était de la neige. Aux environs de Viareggio, nous retrouvons la culture, plus loin, ce sont des forêts de pins francs. Pise est remarquable par la beauté de certains bâtiments et surtout sa tour penchée. La ville à l’air ancienne.Ici, nous quittons la grande ligne que nous reprendrons à Varda, nous éloignant davantage de la mer marchant sur voie unique et laissant Livorno hors de notre route. A 2 heures 30, nous sommes à Colle Sahette où nous cassons une bonne croûte, nous ne repartons qu’à 7 heures 30. Dans les coteaux, on cultive surtout la vigne.Nous voilà enfin à Varda, où nous retrouvons la mer et la voie double : nous allons marcher plus vite à présent. A Cecina, nous retrouvons la plaine avec ses cultures puis, après avoir traversé une forêt de pins, nous sommes à la nuit…Ortobello, le 16 mai 1919.A 5 heures 30 nous sommes réveillés par le cri « au jus ! » que nous prenons en vitesse et le train repart. Entre la voie ferrée et la mer se trouve un lac important. Ici, la culture est importante en céréales, pâturages et élevages nombreux. Civitavechia, ville ancienne et port marchand, tout le long de la côte, on aperçoit des voiliers de pêche. A San Severa, on quitte la mer, on se trouve dans la plaine où la culture du blé est assez importante ; aux environs de Ponte Galeria, se trouvent de grandes prairies.A midi, nous sommes à Trant dans la banlieue de Rome, ici, nous mangeons la soupe mais il nous est impossible de sortir en ville et nous sommes obligés d’admirer les bâtiments de loin. Nous repartons à cinq heures sans pouvoir admirer les merveilles de la capitale qui est entourée d’une double enceinte, vieux fortif en ruines. A Campiano, nous trouvons des coteaux couverts de vignes et d’oliviers. Ici, le pays est pittoresque, on trouve des ravins profonds. La majeure partie des villages est construite sur les coteaux et est très ancienne. Plus loin, on trouve des pâturages ou des bois à travers les coteaux.Segni Paliano est une ville assez importante, on y trouve des ruines, des châteaux et de vielles tours. Aux environs de Montagneux, se trouve une large vallée cultivée mais sur la montagne, il n’y a point de culture. Moralo est très pittoresque, dans une riche vallée. La culture est ici beaucoup plus intense qu’ailleurs. Après une heure de halte, nous quittons Caserta le 17 à 9 heures 30 du matin. Nous laissons Naples pour pénétrer dans l’intérieur, et enfin vers l’Adriatique. Nous aurons tout le temps une voie unique à présent. Nous n’allons pas vite car nous montons dans la montagne. Au loin, on aperçoit la fumée de Mont Vésuve. En ce moment, nous nous éloignons de la Méditerranée, le pays est pauvre et les villages anciens. A Mandole Superiore, le brouillard est si intense que nous ne pouvons plus rien distinguer. Aux environs de Telise Ceneto se trouve une ancienne enceinte, sorte de viaduc à trois étages qui devait dépendre de la ville de Napoli. Maintenant le brouillard est dissipé et nous arrivons à Casaldini Ponte : étant toujours dans la montagne, la culture est plutôt pauvre. La vigne est disposée en tonnelles montée sur arbres. Dessous, on cultive le blé et le maïs. A Benevento, nous avons un moment d’arrêt. Le pays est assez important. Dans la vallée que nous longeons, on trouve encore un peu de culture. Sur les collines, il y a des pâturages : en général, la région est pauvre.J’ai remarqué pendant tout mon voyage à travers l’Italie que presque tous les cours d’eau étaient à sec. Nous arrivons à Adrianodi Puglio et pour ainsi dire au sommet des monts. Nous passons trois tunnels successifs d’une demi-heure et nous sommes ensuite sur le versant de l’Adriatique. On longe la vallée d’un cours d’eau à sec. Le terrain est à peu près inculte ; à Bovino commence un peu de culture et nous voilà enfin en plaine. Vers Cervanto, la plaine est immense et la culture importante.Après trois heures d’arrêt à Foggia, nous partons à 6 heures du soir. Nous sommes toujours en plaine. Grande culture de la vigne, des céréales, de l’olivier et de l’amandier. A gauche se trouve un grand lac et dans la nuit, nous longeons la Mer Adriatique. Nous nous réveillons le 18 à 5 heures à Gioia de Colle (après 4 jours de train en Italie). Vers Castellamento, on se retrouve dans les coteaux : on cultive l’olivier et les céréales. Panaglianello est un village bizarre aux toitures plates blanchies extérieurement.Entre mer et voie ferrée se trouve la plaine et à droite la montagne. Le sol est rocheux, il en est presque de même dans toute l’Italie. A Masafra, on cultive l’olivier: il y en a de très gros et de très vieux qui poussent dans les roches.A 10 heures, nous débarquons enfin à Tarento par une chaleur très forte.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tarente
On nous emmène dans un camp à côté du port. Là nous mangeons la soupe en plein air vu qu’on prétend embarquer dans l’après-midi. Ici, nous avons avancé l’heure de 60 minutes et il en sera de même en Grèce. J’ai remarqué que la plupart des maisons étaient entourées de très fins grillages afin d’éviter aux mouches de pénétrer à l’intérieur.Ici finit notre voyage à travers l’Italie.

voir l'itinéraire en Italie
http://maps.google.fr/maps?f=d&saddr=genova&daddr=Pise,+Toscane,+Italie+to:livorno+to:roma+to:caserta+to:Gioia+del+Colle+Bari,+Pouilles,+Italie+to:Tarente,+Pouilles,+Italie&hl=fr&geocode=&mra=ls&sll=41.983994,12.788086&sspn=4.849995,10.195313&ie=UTF8&ll=42.277309,12.744141&spn=4.827611,10.195313&z=6

mercredi 24 décembre 2008

3 ème étape: en mer

En mer.
Le 18 juin à 2 heures de l’après-midi, nous recevons l’ordre d’embarquer, nous montons sur des radeaux qui, conduits par un canot mécanique, vont nous conduire à bord du Croiseur Léger « le Guichen. http://www.guichen.com/Histoire/Escorteur_guichen
A 4 heures, nous sortons du port qui est très grand.
De là, nous voyons un peu la ville aux maisons bizarres mais qui à l’air d’être assez importante. Jusqu’à la nuit, nous longeons la côte d’Italie dans le golfe de Tarento, les yeux tournés vers la Terre qui disparaît peu à peu. Puis on ne voit plus que le bleu ciel et l’eau, sauf quelque gros poisson qui vient nous distraire par ses bonds sur la nappe d’eau.La mer est très calme et tout se passe à merveille. Le 19 à 6 heures 30, nous sommes en vue des côtes Albanaises qui sont à notre gauche, à droite des îles dont je ne connais pas le nom. A 10 heures nous apercevons la côte grecque. Enfin à 6 heures du soir, nous pénétrons dans la baie d’Itéa et nous débarquons peu après sans avoir éprouvé la moindre fatigue et le moindre malaise pendant la traversée. Le port est très peu important ; on est au milieu de la montagne. Que venons-nous faire ici dans ce coin perdu ? c’est à se demander comment l’homme peut y vivre. Mais nous n’allons pas y séjourner longtemps.
itinéraire:

mardi 23 décembre 2008

4ème étape: la Grèce

En auto dans la montagne.
http://wiccagreece.w.i.pic.centerblog.net/ykur970e.gif
Notre débarquement fini, nous rejoignons un camp à côté de ce village d’Itéa, dans une petite plaine entourée par la montagne et la mer. Les travaux de propreté terminés, nous partons voir le village car le bruit court que l’on doit repartir demain, donc on tient à voir un peu les mœurs d’ici. Nous avons à peine fait 200 mètres que nous sommes rejoints par une troupe de gamins qui nous entourent en chantant « La Madelon », nous en étions réellement surpris, on se croyait encore en France. Le village était bien peu important mais on y était bien reçu, beaucoup d’habitants parlaient le français et toutes les enseignes portaient notre langue. Les maisons sont construites en terre. Il y a une belle mosquée toute neuve. Le cimetière était éclairé, il y avait des lampes sur certaines tombes. Sauf quelques oliviers, la culture n’est pas très importante. A cause de l’avance d’une heure, nous sommes forcés de rentrer au camp à 9 heures. On va donc se reposer…Le 20 à 5 heures du matin, nous recevons l’ordre de partir et à 7 heures, les autos se mettaient en route. Nous parcourons une vallée d’oliviers et d’amandiers entre la montagne puis nous commençons notre ascension à travers les monts.La route est très accidentée, on est tout blanc de poussière et on monte toujours. Beaucoup d’autos sont restées en panne ; lorsque nous arrivons à Amphissa, nous sommes les premiers. Près de Topoli, nous faisons une pause et attendons les camarades. On est à une très haute altitude. La culture est nulle. Rien ne pousse dans ces monts. C’est très pittoresque, des ravins immenses, des contours à pic. Après avoir marché ainsi km presque sur terrain plan, dans le sommet des montagnes, nous commençons à descendre à une allure rapide. Le terrain est de plus en plus accidenté et descend à pic. On n’est pas rassuré du tout car on est conduit par des prisonniers bulgares. Celui qui conduit la voiture où je suis est très jeune et expérimenté, il voudrait aller plus vite mais il est ralenti par la voiture qui le devance et qui ne va pas très vite, sans quoi ça ne finirait peut-être pas très bien. Ne pouvant le dépasser, il lui laisse prendre une centaine de mètres d’avance et lâche ensuite toute vitesse : nous nous demandons comment ça va finir. A Grava, il réussit à passer devant et a vite fait de rejoindre les autres mais nous étions en plaine et il y avait beaucoup moins de danger. Là, nous retrouvions un peu de culture, un camp anglais en démolition et un cimetière anglais. Enfin à 11 heures, nous descendions à Bralo et de là, nous partions au camp, pour nous nettoyer car nous étions blancs de poussière et nous avions besoin de repos. Nous venions de faire ainsi 52 km.Ici, nous sommes à coté de la ligne de chemin de fer dans une petite plaine entourée de collines. Le pays est pauvre et la culture est peu importante. On fait beaucoup d’élevage, les bœufs ont des cornes énormes. Tous les transports se font à dos d’âne à travers des petits sentiers, les quelques routes qu’on trouve par-là ont été construites par les Alliés.Il est très curieux de voir passer une famille entière. Tous les hommes montés chacun sur un âne marchent en tête, ensuite viennent les femmes, s’il n’y a pas de monture pour tout le monde, les jeunes femmes marchent à pied suivies par un chien, une chèvre et un cochon attachés par le ventre ; tous les cochons ont la peau noire. Les hommes aussi sont bronzés. Tout près de la gare, se trouve un cimetière militaire français. Le soleil se lève ici à 6 heures 30 mais nous avons deux heures d’avance sur la France, heure légale. Il fait encore beaucoup plus chaud ici que pendant le voyage, pourtant, on n’avait pas froid en mer. Je ne puis parler du village, je ne suis pas sorti du camp, il fallait faire 5 km pour aller au pays le plus rapproché.
itinéraire:

lundi 22 décembre 2008

5ème étape: Salonique

En route pour Salonique.
itinéraire: http://maps.google.fr/maps?f=d&saddr=taranto&daddr=It%C3%A9a,+Phocide+33100,+Gr%C3%A8ce+to:Larissa,+%CE%9B%CE%B1%CF%81%CE%B9%CF%83%CE%B1,+Gr%C3%A8ce+to:tessaloniki&hl=fr&geocode=&mra=ls&sll=39.520992,19.775391&sspn=5.032876,10.195313&ie=UTF8&ll=39.504041,20.083008&spn=5.034102,10.195313&z=6

Le 21 juin à 8 heures du soir, nous montons dans le train mais nous sommes forcés de redescendre, n’ayant pas assez de machines pour emmener tout le détachement, et nous ne partons que le lendemain soir à la même heure avec un détachement anglais. Nous n’allons pas marcher vite car nous sommes sur voie unique et nous montons dans la montagne mais nous avons deux locomotives quand-même.Nous arrivons tout de suite en montagne : beaucoup de tunnels, des viaducs, on passe dans des endroits très dangereux : il y a des ravins très profonds. C’est très pittoresque ; on fait de grands détours, passant à flanc de coteau où coulent de magnifiques cascades : l’eau tombe parfois de 8 mètres de haut ; on a le temps de se rendre compte car on va très lentement.Dans ces rochers, rien n’y pousse mais il est curieux de voir dans le fond des ravins, de belles gerbes de fleurs rouges poussant ici comme les ronces en France. On trouve très rarement de ces mêmes fleurs dans certaines maisons riches de chez nous. Peu à peu nous quittons la montagne on longe une vallée et nous voilà enfin en plaine.Ici la culture est assez importante : on trouve du blé, de l’avoine, du maïs, du tabac.Nous arrivons en gare de Tamenta Ilpankana, le toit des maisons est couvert de cigognes. Après avoir marché longtemps en plaine, nous retrouvons un peu la montagne, on passe encore quelques tunnels et viaducs, et voilà la nuit.
Le 23 au réveil, nous sommes en plaine au milieu de champs de céréales. Peu après nous arrivons dans une gare importante LARISSA, en français Larissa. Bientôt, nous arrivons au bord de la mer. La culture est presque nulle ici, quelques petits coins de bois seulement. A gauche, la montagne n’est pas loin puis elle s’éloigne un peu et nous longeons la vallée d’une rivière qui coule entre des montagnes rocheuses.Nous arrivons à une nouvelle gare du nom grec de Katepina, nous traversons en ce moment une plaine immense. Il y a de beaux champs de blé, on fait la moisson à la main : on coupe la tige par le milieu et on ne ramasse que l’épi. Il y a aussi de belles prairies et peu d’habitations.Les montagnes se rapprochent à nouveau et nous sommes au bord de la mer. Sur les montagnes, il y a encore de la neige. Pas de culture ici, le terrain est boisé. Avant d’arriver à Platy, on retrouve des champs cultivés en céréales et tabac. A présent, nous sommes dans les marais couverts de gibiers : oies, canards, pélicans et cigognes vivent là en famille. Tout au bord de la voie se trouvent quelques tombes militaires.Ici, ce sont des terres en friches, on traverse un cours d’eau et nous sommes à Kirdjalard ; dans des grandes prairies se trouvent des troupeaux de bœufs et de chevaux. Tekea Tekele est la dernière gare avant Salonique, là se trouve un camp de prisonniers. Ici, on fait du jardinage et nous sommes de nouveau au bord du golfe. A heures du soir, nous arrivons en gare de Salonique. Nous traversons la ville pour nous rendre à trois kilomètres au-delà, où se trouve un camp immense…Salonique est une ville importante mais en 1917, tout un quartier a brûlé. Les mœurs sont différentes de chez nous. Presque tout le monde est commerçant mais sale. Les habitants commencent à s’habiller à l’européenne. Les femmes mettent une coiffe, on ne voit que leurs yeux. Mais les Turques sont entièrement voilées. Les rues sont défoncées, sales. Les maisons sont pauvres et basses. Il y a beaucoup de cafés mais peu où l’on peut s’asseoir. Il y a beaucoup de maisons d’amusement mais c’est encore plus sale qu’ailleurs.La ville possède un port important et de vieilles fortifications. La température est très chaude et on est dévoré par les mouches et les moustiques.Le climat est très malsain : on risque des fièvres et le paludisme. A côté du camp se trouve un cimetière militaire très grand.



voir l'itinéraire

http://maps.google.fr/maps?f=d&saddr=It%C3%A9a,+Phocide+33100,+Gr%C3%A8ce&daddr=%CE%9B%CE%B1%CF%81%CE%B9%CF%83%CE%B7%CF%82,+Larissa,+%CE%9B%CE%B1%CF%81%CE%B9%CF%83%CE%B1,+Gr%C3%A8ce+to:tessaloniki&hl=fr&geocode=&mra=ls&sll=39.0326,22.643575&sspn=1.26727,2.548828&ie=UTF8&ll=39.35129,24.521484&spn=5.045137,10.195312&z=6
Signature de la paix le 28 juin 1919
http://fr.wikipedia.org/wiki/Paix_de_Versailles
Le 29 juin arrive une nouvelle attendue depuis de longs mois : « La paix était signée ». Quelle joie dans tout le camp. Pour tout le monde c’était la fête. Dans la nuit, un incendie s’est déclaré dans le camp italien qui est à côté de nous. On a été réveillé mais cela n’a pas flambé longtemps.

dimanche 21 décembre 2008

6ème étape: Istanbul

Constantinople pendant l’occupation
Le 5 juillet 1919, nous avons quitté Salonique à 12 heures à bord de l’Edgineer-Avdakoff navire marchand russe à base d’Odessa construit en 1904.Il fait une chaleur torride, on ne sait pas où se mettre pour avoir moins chaud. Pendant toute la traversée du golfe de Salonique, nous voyons la côte grecque des deux cotés ; la côte est montagneuse et il n’y a ni maisons ni culture. A la tombée de la nuit, nous arrivons dans la mer Egée, contournant les presqu’îles grecques nous sommes peu après en pleine mer.
Le 6 à 9 heures 20 nous arrivons à la presqu’île de Gallipoli. On passe près d’une ville assez importante défendue par un fort. Peu après nous entrons dans le détroit de Dardanelles défendu par les forts de Teke-Teleppe dont plusieurs ont été démolis par la flotte franco-anglaise. Quatre navires de guerre sont échoués ou démolis le long de la côte d’Europe. Le passage est très étroit et nous distinguons très bien les deux côtes. Du côté asiatique se trouve une ville importante défendue par des forts. De temps en temps nous croisons des navires de nationalité étrangère. D’autres nous précèdent. Au bord de la côte, nous apercevons quelques maisons souvent creusées dans le roc ; il y a encore quelques navires de coulés. Encore une ville en Asie avec un camp anglais à côté. Nous sommes devancés par un navire anglais. Ici la température est plus fraîche. En Europe on aperçoit une ville importante toute au bord de la mer ; ce qui rend le voyage si intéressant, c’est que nous distinguons les côtes pendant toute la traversée. Il y a des nuées d’hirondelles qui rasent l’eau tout le long de la côte d’Asie. Des mouettes viennent nous survoler puis vont se poser sur l’eau à la recherche de poissons. De temps en temps, des marsouins de la taille d’un homme s’approchent par bonds sur la nappe d’eau, attirés par le passage du bateau. Du côté européen, on voit moins de montagnes, ce sont des plateaux avec quelque peu de cultures. L’Asie est toujours montagneuse, on distingue toujours quelques villages. Maintenant le détroit devient plus large et nous sommes dans la mer de Marmara, un deuxième navire nous dépasse.A 8 heures 30, nous assistons à un coucher de soleil, qui est très impressionnant, en mer, qui maintenant s’élargit de plus en plus mais qui est très calme. Maintenant que la nuit vient, il ne reste plus qu’à se coucher.
Le 7 juillet à 4 heures du matin, nous sommes réveillées par un bruit de chaînes. On est dans le Bosphore et on mouille en rade. De tous côtés, on aperçoit une multitude de lumières, soit à bord des bateaux soit sur la côte. Le soleil se lève enfin, il est 5 heures 30. On est dans le port de Constantinople au milieu de navires de toutes nationalité. La ville à l’air très intéressante à l’aspect cosmopolite avec des monuments très bizarres, elle fait le tour du port qui est en forme de détroit et qui est traversé par deux ponts qui relient les deux côtés de la ville. On passe ainsi toute la matinée à bord, enfin à 11 heures 40, on lève l’ancre et on nous conduit aux quais et à 12 heures nous mettons le pied en terre ennemie où nous vivons en maîtres depuis 8 mois. Peu après, nous sommes installés dans une ambassade russe en construction. Nous sommes très bien ici dans le centre de la ville et au 6ème, nous dominons une partie de la ville qui est disposée par gradins. Nous avons aussi une belle vue sur le port dont nous voyons tout le mouvement. A chaque instant, il rentre des bateaux. Les personnes qui veulent faire la traversée et aller à Seutarie en Asie n’ont qu’à prendre un des bateaux qui font continuellement le trajet. Le nouveau port a été construit par les Boches en 1911-1912. Il est très chic, monté sur flotteurs, il se partage, livrant passage aux bateaux. Le milieu du pont part ainsi à la dérive et se replie sur le bout qui reste fixe. Ce qui lui donne encore plus d’importance, c’est qu’il est traversé par les tramways et l’électricité qui viennent également d’Allemagne. Les monuments les plus importants sont les mosquées, on en compte six. Des plus importantes, c’est la maison de prière des mahométans : il faut y entrer nu-pieds.La tour de Galata http://www.istanbulguide.net/istguide/artetarch/batimliste/palais/galata.htm et la tour Brûlée http://www.istanbulguide.net/istguide/artetarch/ruinesby/cember.htm sont intéressantes à voir. Il y a des quartiers très chics et riches mais les maisons sont bizarres tout de même. Beaucoup d’architecture et des toitures de toutes sortes, plate-formes terrasses, rondes ou même en clocheton.

Le quartier européen est le plus important et le plus chic, on y cause un peu toutes les langues et j’ai eu le plaisir d’y entendre jouer dans un café cette chanson si populaire « La Madelon ». C’est surtout lorsqu’on est éloigné de son pays qu’on en connaît la valeur ; on recherche une conversation et on s’intéresse à tout ce qui est français avec passion et amour. Beaucoup de maisons portent des drapeaux alliés : que doivent en penser certains Pachas ? En général, la ville est très propre, les quartiers pauvres sont beaucoup commerçants. La température est modérée et le climat est sain.Les mœurs turques sont très bizarres : ils vivent la plupart de légumes souvent crus ou de fruits ; ils mangent rarement de la viande mais jamais de porc.Presque tous les hommes coiffent la chéchia rouge et sont assez bien vêtus. La femme turque porte un grand voile sur la tête qui descend jusqu’à la ceinture : devant, il est très fin et lui couvre la figure, la plupart sont très riches, en soie et de toutes couleurs, sans pourtant être ridicule. Elles ont aussi beaucoup de brillant et des pierres précieuses. Parfois elles relèvent leur voile sur la tête et on peut voir ainsi des femmes des plus charmantes aux traits très fins car à dix-sept ans, elles sont aussi fortes qu’à vingt ans en France. Il y en a aussi qui s’habillent à l’européenne, c’est à dire tel que chez nous mais elles ne portent point de corset, elles sont donc la taille très forte et ne sont pas si élégantes qu’en France.L’homme, qui généralement est charmant, a droit à plusieurs femmes, on peut les considérer plutôt comme des esclaves. Il peut, s’il a les moyens, se payer un « harem ».Une chose qui m’a surpris ici c’est leurs moyens de transport, ils se font presque tous à dos d’homme : ils portent ainsi des charges considérables. On voit encore quelques attelages de buffles attelés par le cou et conduits tout juste avec un bâton. L’argent turc a très peu de valeur car cent francs français représentent mille quatre cent piastres turques mais on n’y gagne guère car on paye les marchandises très chères. Un journal : 2 piastres et demi ; un verre de limonade : 10 piastres ; une carte postale : 2 piastres et demi. La piastre en temps de paix représentait le franc, à présent, elle égale les 10 centimes. Le 12 juillet, je suis allé en Asie, à Seutarie ayant traversé le Bosphore à bord d’un bateau passager turc. Les préparatifs du 14 juillet s’avançaient déjà beaucoup ; le 13 au matin des rues disparaissaient sous les guirlandes et les drapeaux mais pour nous, on n’a pas connu de fête cette année, on l’a passée la journée en mer en songeant aux fêtes grandioses qui se donnaient à Paris en l’honneur de la victoire. Mille drapeaux devaient défiler avec vingt cinq mille poilus alors que nous nous éloignons encore davantage de notre cher pays.

samedi 20 décembre 2008

7ème étape: mer Noire

En Mer Noire
Le 13 juillet à 13 heures 30 nous embarquions à bord du Mandu, bateau marchand allemand interné au Brésil et mis au service de la France par la République Brésilienne. Le Bosphore était pavoisé aux couleurs alliées, préparant la fête du lendemain ; la côte était très intéressante et beaucoup habitée. Du côté européen, il y a de très belles villas tout au bord de la mer. A vingt cinq kilomètres, nous voyons un phare de chaque côté de la côte puis quelques forts et des bateaux coulés, et la terre disparaît en Europe d’abord puis en Asie ensuite, et nous sommes dans la Mer Noire. A 8 heures 30, nous sommes en pleine mer, l’eau est noirâtre mais très calme ; nous croisons un navire anglais. A 8 heures 45, nous regardons le coucher du soleil qui semble se noyer dans cette nappe d’eau.
Le 14 à 9 heures du matin, nous apercevons la côte roumaine à notre gauche, on approche peu à peu et on distingue le terrain qui est très plat. A l’avant du navire, et presque à le frôler, onze marsouins énormes se baladent et nous suivent ainsi longtemps puis plongent enfin. Nous croisons un bateau italien ; sur la côte, on distingue la culture et les arbres ainsi que quelques maisons isolées. Plus loin, nous voyons une petite ville, c’est le port de Mangalia aux maisons bizarres, genre chinois ; nous sommes près de la côte.Enfin, à 2 heures, nous sommes en vue de Constanza, nous mettons longtemps à rentrer au port et nous ne mettons pied à terre qu’à 5 heures.Nous sommes ici en pays allié. Le peuple est très francophile, se rappelant la signature de la France dans la question du Banal. (ou Banat qui fut octroyé à la Roumanie au traîté de Versailles. La région du Banat (Timisoara) justifia l'entrée en guerre de la Roumanie contre la Bulgarie et l'empire austro hongrois). La population est pauvre car elle a beaucoup souffert de l’invasion pendant deux ans : toute maison évacuée a été pillée puis brûlée par le boche. La vie est à peu près la même qu’en France et différente de Turquie. C’est un pays jeune, il n’existe que depuis quelques années mais promet beaucoup.En général, les femmes sont très grandes et fortes. La ville est assez importante et bien située, il y a de belles rues très larges et très propres. C’est surtout au bord de la mer qu’on trouve les plus beaux quartiers ; des maisons toutes neuves, pas très hautes mais bien aérées. Le casino est très intéressant, il est complètement bâti sur la mer, la terre faisant une avancée. Le port est assez important et la plage donnera une grande renommée à la ville ; on y trouve tous les jours une foule de baigneurs. La température est très modérée, il fait même froid dans la nuit.

vendredi 19 décembre 2008

8ème étape: Roumanie

Au pays Roumain
Le 18 juillet à 7 heures du soir, nous quittons Constanza à bord du Princesse Maria, passager roumain de léger tonnage. Nous devons longer la côte roumaine puis remonter le Danube. Après avoir navigué toute la nuit par une mer mauvaise, nous arrivons au petit jour à l’entrée du Danube et faisons escale quelques instants à Sulina afin de prendre quelques passagers civils. Nous sommes dans une plaine immense mais comme on est entré par les bras du Danube, il n’y a pas de culture, c’est marécageux et couvert de roseaux de chaque côté. Sur le coteau, on aperçoit le village de Tulcea qui est assez important puis on passe au port de Reni qui se trouve en Bessarabie (Russie). (entre Moldavie et Ukraine actuelle)http://fr.wikipedia.org/wiki/Bessarabie
Nous longeons ainsi la frontière quelques instants et nous redescendons ensuite en Doubroudja. Tout le long du fleuve, il y a quelques maisons de pêcheurs à l’aspect très pauvres puis quelques troupeaux ; nous avons croisé deux bouches du Danube et à 3 heures 15, nous arrivons à Galati, ville importante ou nous devons passer quelques temps. Elle est très bien constituée : de belles rues très droites et larges, des maisons pour la plupart toutes neuves. A côté de la ville, il y a deux lacs importants et un jardin public très bien entretenu. La température est très modérée, la nuit surtout, il fait plutôt froid pour la saison et il pleut souvent. Après avoir passé quelques jours à la 15ème division, le 23 juillet nous rejoignons le 4ème bataillon de Zouaves, régiment mixte métropolitain qui vient cantonner en ville de retour de Russie. L’armée roumaine est mal organisée : pas d’habit ni de chaussure ; l’artillerie est traînée par des bœufs. La population civile est très hospitalière mais souffre de la vie chère.
http://www.europa-planet.com/roumanie/carte_roumanie.htm

jeudi 18 décembre 2008

9ème étape: Ukraine, Moldavie

En Russie (maintenant l'Ukraine et la Roumanie)
Le 1er août à 4 heures du matin, nous partons pour Reni faisant une étape de 20 km très surchargés. Le village est assez important mais les maisons ne sont pas très élégantes : la plupart sont en terre et recouvertes de chaume, mais la population est très propre, très hospitalière et bien vêtue. La vie est assez chère mais vu le change, elle est bon marché pour nous. Le pays manque d’eau et le peu qu’il y a n’est pas bon. La région est bonne, le sol est fertile mais mal cultivé et ne rend pas comme il le pourrait. Il y a de belles récoltes et de beaux arbres fruitiers.Le 6 à 11 heures, nous embarquons pour la Bulgarie ; le bataillon est remorqué sur cinq chalands, je fais le voyage sur le Danubius et nous remontons le Danube. A 3 heures, nous repassons à Galati où nous avions déjà cantonné ; à 7 heures 30, nous sommes à Braïla ville importante, port sur le Danube, centre pétrolifère et usinier de la région. http://fr.wikipedia.org/wiki/Br%C4%83ila
Peu après Braïla, nous nous arrêtons pour passer la nuit car on ne doit marcher que de jour. Le 7 au petit jour, nous levons l’ancre et nous nous remettons en route. Nous sommes dans une plaine immense dont les rives du fleuve sont presque au niveau de l’eau ; il y a peu d’habitations. Le fleuve coule presque tout le temps sur plusieurs bras formant de grandes îles où poussent des arbres, des pâturages et des roseaux, peuplés d’oiseaux de grosse taille. Les rives du fleuve se rassemblent parfois pour se séparer ensuite ; on appelle cette région Balta. Il y a de nombreux troupeaux de moutons et de chevreaux. En cours de route, nous croisons quelques bateaux ; de temps à autres, on aperçoit quelques villages mais peu de maisons isolées. Parfois, le fleuve est très large puis se resserre ensuite et devient beaucoup plus étroit. Nous arrivons ensuite à Ostrov, petit village dans l’île. Puis de temps à autres, il y a quelques maisons. Après la soupe du soir, la musique a joué jusqu’à la nuit. En passant devant Harsova, qui est une ville importante, nous avons été acclamés par la population. Peu après nous nous arrêtons : il fait nuit. Le 8 au jour, nous repartons. De temps en temps nous rencontrons quelques villages mais à gauche il y a une petite colline. Le long du fleuve, on ne voit plus à l’intérieur mais sur le plateau, il y a de belles récoltes. Les gerbes de blé sont très nombreuses. Nous croisons quelques chalands. Vers 1 heure, nous sommes à Cernavada où nous nous arrêtons pour faire charbon.Devant nous se trouve le pont de chemin de fer qui relie Constanza à Bucarest : le seul qui traverse le fleuve, il est très beau, à une grande hauteur et environ 1500 m de long. Il est monté sur 19 piliers et en plus il est suspendu par des câbles. Il avait été détruit par les Roumains en 1916 lors de leur retraite. A côté de la ville, il y a un puits à pétrole. Dans la soirée le temps se met à la pluie et on est obligé de s’arrêter plus tôt que les jours précédents. Le 9 à 4 heures 30 nous repartons de nouveau. A présent à notre gauche se trouve une colline boisée où nous apercevons quelques villages au milieu de cette verdure : c’est très pittoresque. Puis ce sont de beaux champs de maïs et de blé tandis qu’à droite, c’est très bas et marécageux ; de l’autre côté du deuxième bras tout au loin, se trouve Calarassi, et un peu plus loin à droite à flanc du coteau Silistra, ville importante qui possède de beaux monuments. A la nuit, nous nous arrêtons dans un endroit ou le fleuve est très large. Le 10 août pendant que chez moi on fêtait la fête annuelle, je continuais ma route vers la Bulgarie ; il a fait une très belle journée avec un vent frais. La musique a joué toute la soirée. Toujours de belles récoltes et quelques villages. Dans l’île, des troupeaux de moutons, de bœufs et de chevreaux, et nous arrivons à Olténita et Turtucaia, villes importantes situées de chaque côté du fleuve. Sur la rive droite se jette l’Argus, affluent du Danube. A 3 heures nous arrivons à la frontière que nous longeons tout le temps laissant la Roumanie à droite. Enfin le 11 à 3 heures, nous sommes en vue de Guirgevo en Roumanie et peu après nous arrivons à Roustchouk en Bulgarie où nous débarquons. Puis on va cantonner dans une usine belge où l’on travaille les peaux.

mercredi 17 décembre 2008

10 ème étape: Bulgarie

En Bulgarie
itinéraire:
http://maps.google.fr/maps?f=d&saddr=Rouss%C3%A9,+%D0%A0%D1%83%D1%81%D0%B5,+Bulgarie&daddr=razgrad+to:varna&hl=fr&geocode=&mra=ls&sll=43.747289,26.325989&sspn=0.589274,1.274414&ie=UTF8&z=8

Roustchouk (Ruse ou Pyce au nord) est une ville assez importante sur la rive droite du Danube mais elle est mal disposée et il n’y a pas de beaux quartiers malgré le fait qu’il y ait quelques beaux monuments et un beau jardin public. Malgré le fait que nous soyons en pays ennemi, nous ne sommes pas mal reçus, d’ailleurs nous sommes ici en maîtres mais on n’en abuse pas. La vie y est chère mais il y a beaucoup d’articles boches qui sont bon marché. La campagne est fertile et il y a de belles récoltes et beaucoup d’arbres fruitiers. Le climat est bon et il y a très peu de moustiques.Le 19 août à 6 heures du matin nous prenons le train pour Varna car en ce moment, je me considère presque comme civil n’ayant plus de fusil ni de sac. C’est le grand jour de la délivrance, je pars pour la France, ma vie militaire s’achève et je reviens vers la liberté de la vie civile. Mon séjour en Orient est presque terminé, il n’a pas été long et je considère cette période comme un grand voyage d’agrément car je ne suis resté dans la région que 25 jours, que j’ai passés très tranquillement d’ailleurs. Le voyage se passe à travers une riche plaine de blé et de maïs mais on aperçoit rarement des maisons. Après Razgrad on trouve des collines rocheuses couvertes de bois, la culture est peu importante. Mais il y a de riches pâturages, l’herbe y pousse très vite car le sol est frais, il y a de nombreux troupeaux de buffles. Aux environs de Ilakilkar on aperçoit quelques montagnes. Dans la vallée on cultive le tabac et le maïs. Nous avons 3 heures d’arrêt à Chomba. De chaque côté de la voie, il y a deux chaînes de montagnes, plus loin, on retrouve la plaine au sol très fertile. Il y a des champs de maïs très étendus, le sol est frais et la culture est facile mais les labours sont peu profonds, il y a aussi des champs de tabac mais il n’a pas de grandes feuilles car on le laisse pousser à volonté. Cette région est couverte de tortues. En approchant de la mer, on trouve des champs de vigne et des arbres fruitiers, dans les prairies il y a de nombreux troupeaux de vaches puis on arrive dans des marécages couverts de roseaux. A 6 heures 30 nous arrivons en gare de Varna.Quoique le voyage fut très long, on n’a pas mis longtemps et pourtant il n’y a qu’une voie, mais les trains vont beaucoup plus vite qu' en Roumanie. Varna est un port sur la Mer Noire au pied d’un coteau boisé. Le paysage est très pittoresque. La ville est importante et possède quelques beaux monuments, une belle église. La plage est très belle aussi et c’est surtout du côté du port que se dirigent mes yeux à la recherche du paquebot qui doit me ramener en France, notre grand désir et notre plus grande joie. Joie de revoir bientôt ce cher pays et ma chère famille quittée depuis quatre mois.

mardi 16 décembre 2008

le retour

Joies du retour
Le 23 août nous quittons Varna à bord du Tigre, passager russe à base d’Odessa. Nous sommes donc sur la voie du retour. Quelle joie de penser que sous peu on sera en France et surtout le bonheur d’être civil sous peu. Au départ nous avons eu un peu de tangage mais à la nuit la mer était très calme, ce qui est très rare en Mer Noire car elle est souvent mauvaise. Jusqu’à la nuit nous avons longé la côte bulgare puis la côte turque et le 24 au réveil nous sommes dans le passage du Bosphore que je connaissais déjà mais que j’ai trouvé encore plus intéressant que l’autre fois. Les côtes étaient splendides, des coteaux flanqués d’arbres au feuillage fourni. Souvent on aperçoit des villes plus ou moins importantes mais dont les maisons genre turc étaient très belles.
A 8 heures 30 nous sommes devant Constantinople où nous mouillons. A 4 heures nous descendons à terre par un remorqueur car nous devions prendre le Buenos Aires partant le soir même pour Marseille mais il y a eu contrordre et on est retourné sur le Tigre laissant les Algériens et les malades seulement. Il y avait toujours une forte escadre alliée qui gardait la ville et le passage des Dardanelles.
Le 25 août à 7 heures 30 du soir, après avoir fait le ravitaillement en charbon, nous levons l’ancre pour Marseille. Quelle joie de partir enfin ! mais on était à peine sortis du port qu’on était arrêtés à nouveau, la base navale venant demander des renseignements. Nous étions à nous demander si nous allions partir dans la soirée car la nuit venait. Mais à 8 heures 30, nous partions de nouveau, cette fois-ci c’était pour de bon.
Le 26 au réveil, nous sommes dans les Dardanelles, détroit resserré par des coteaux incultes, parfois on distinguait quelques villes, au loin des camps anglais ou des forts presque démolis sur lesquels flottait l’emblème de la France. Nous avons croisé un paquebot français transportant des civils qui nous ont souhaité un bon voyage. A heures nous quittons la côte Européenne puis à 11 heures celle d’Asie disparaît aussi et nous sommes en pleine mer qui est déjà beaucoup plus bleue qu’avant le détroit. Nous avons eu un peu de roulis mais ça n’a pas duré longtemps. A 8 heures nous passons entre quelques îles grecques puis nous apercevons un bateau tout au large. On est donc presque seul au milieu de cette immense nappe d’eau. Le 27, nous avons un lever de soleil splendide, la mer est si calme qu’on ne voit pas une ligne, on dirait une nappe d’huile. C’est la mer Ionienne. Au large à notre droite, on distingue encore une île et on passe le reste de la journée sans rien apercevoir. Le 28, nous sommes toujours en pleine mer ; enfin à 3 heures de l’après midi, on arrive à la côte italienne ; côte montagneuse inculte au bord de la mer, on voit quelque village et à 4 heures, on voit enfin la Sicile, très montagneuse aussi, on loin, on aperçoit un volcan… C’est le mont Etna qui lâche de la fumée. Nous sommes donc dans le détroit de Messine Au bord de l’île tout au pied des monts se trouve la ville de Messine qui est importante mais qui a été déjà détruite par le volcan à côté de la ville, il y a encore deux petits monts qui fument aussi. Quel danger pour la population des environs ! Maintenant les coteaux sont cultivés, on distingue des arbres et de la vigne et beaucoup de villages aux maisons peintes de toutes les couleurs. Du côté italien, on voit Reggio, ville importante ainsi que beaucoup de petits villages. Sur la plage, il y a beaucoup de baigneurs. A la sortie du détroit se trouve un phare, puis on quitte la terre. Devant nous, tout à l’horizon, on distingue une montagne tout au milieu de l’eau ; nous n’y arrivons qu’à 10 heures du soir. C’est le Stromboli, volcan en éruption qui lâche de grandes flammes environ toutes les 5 minutes. A notre gauche, on aperçoit aussi plusieurs îlots. Le 29 nous sommes de nouveau en pleine mer, les yeux fixés vers l’avant à la recherche de la Corse que nous ne devons apercevoir que le lendemain. Que le temps nous semble long ! Enfin en pleine mer sans rien voir que quelques énormes marsouins l’impatience nous gagne car il nous tarde de mettre les pieds en terre française. A 2 heures du matin le 30, nous apercevons un phare à gauche c’est la côte de la Sardaigne. A 6 heures, on est en face de la Corse, c’est la petite France que nous avons sous nos yeux, le sol est inculte et couvert de montagnes ; sur le bord de l’eau, on voit quelques maisons de temps en temps. Enfin, on approche de la France, on le sent déjà, la température a changé, il fait plus frais, le temps est couvert et le vent souffle fort, aussi la mer est moins calme qu’hier. A 10 heures, on aperçoit un voilier vers la côte italienne tandis qu’au loin à gauche, on distingue encore la Corse. Dans la soirée, la mer est beaucoup plus agitée et nous avons été secoués un peu fort, le vent, soufflant très fort, nous ralentit un peu, aussi il est temps que l’on arrive car la mer pourrait se faire mauvaise mais il n’y en a plus pour longtemps. Pendant la nuit, la mer a été encore plus agitée ; la chaîne du gouvernail ayant cassé, nous sommes partis à la dérive et le tangage se mêlant au roulis, nous avons été secoués un peu rudement. Le 31 a été un peu plus calme mais on a continué à danser. Enfin à 11 heures 50 nous distinguons Marseille. Tout le monde était sur le pont, les yeux fixés sur Notre Dame de la Garde et sur le château d’If ; nous sommes restés arrêtés un moment avant d’entrer au port puis nous avons enfin mis pied à terre à 2 heures 40 : nous avons ancré devant le fameux Goeben si renommé pendant la guerre.http://pagesperso-orange.fr/grande.guerre/marine.html
Quelle joie de se retrouver sur la terre française : on était plus heureux que des rois. Puis le 1er septembre, je prenais le train de 6 heures à destination de chez moi ou je devais passer 20 jours de perme avant d’être démobilisé.Fini l’exil. Vivons en liberté !
St-Marc Orel

Annexe

Le 28 juillet 1918 (un an avant en pleine guerre)

Chers parents

Vous devez vous étonner de ne pas recevoir plus souvent de mes nouvelles : c’est que je n’écris pas souvent et encore vous ne les recevez peut-être pas toutes mais ne croyez pas que ce soit ma faute, je n’ai pas les moyens et souvent je n’ai pas le goût. Mais ne vous faites pas de mauvais sang, je suis toujours en bonne santé c’est l’essentiel pour le moment.Nous traversons de très dures épreuves et nous n’en sommes pas au bout mais j’ai toujours l’espoir de m’en sortir dans de bonnes conditions, on est encore en secteur et mauvais secteur, on s’attend toujours à aller se reformer à l’arrière, mais vivement l’hiver qu’on en finisse avec leurs offensives car on en est rudement dégoûté et s’ils continuent d’ici lors, il n’y restera plus un Français debout. Chez nous, il manque 2 commandants, 3 capitaines. A ma Cie, il reste un lieutenant et l’adjudant, je n’ai pas besoin de parler du reste.Malgré que j’écrive peu écrivez-moi souvent, ça me fait passer le cafard de recevoir de vos nouvelles. Je vous assure qu’on a le temps de réfléchir à beaucoup de choses, il y a des moments qui sont rudement longs et ce n’est pas fini. Nous avons toujours un temps orageux, des averses à chaque instant.Vous direz au Thin que j’ai vu Louis : il est en bonne santé, je lui ai remis son argent mais il ne va pas pouvoir en dépenser beaucoup, il est comme moi, tant que nous ne serons pas ici, on ne va pas dépenser grand chose.Comme je vous l’ai dit déjà, je suis en très bonne santé et j’espère que la présente vous trouvera de même. Je vous embrasse à toute la famille.

Orel

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