mardi 16 décembre 2008

le retour

Joies du retour
Le 23 août nous quittons Varna à bord du Tigre, passager russe à base d’Odessa. Nous sommes donc sur la voie du retour. Quelle joie de penser que sous peu on sera en France et surtout le bonheur d’être civil sous peu. Au départ nous avons eu un peu de tangage mais à la nuit la mer était très calme, ce qui est très rare en Mer Noire car elle est souvent mauvaise. Jusqu’à la nuit nous avons longé la côte bulgare puis la côte turque et le 24 au réveil nous sommes dans le passage du Bosphore que je connaissais déjà mais que j’ai trouvé encore plus intéressant que l’autre fois. Les côtes étaient splendides, des coteaux flanqués d’arbres au feuillage fourni. Souvent on aperçoit des villes plus ou moins importantes mais dont les maisons genre turc étaient très belles.
A 8 heures 30 nous sommes devant Constantinople où nous mouillons. A 4 heures nous descendons à terre par un remorqueur car nous devions prendre le Buenos Aires partant le soir même pour Marseille mais il y a eu contrordre et on est retourné sur le Tigre laissant les Algériens et les malades seulement. Il y avait toujours une forte escadre alliée qui gardait la ville et le passage des Dardanelles.
Le 25 août à 7 heures 30 du soir, après avoir fait le ravitaillement en charbon, nous levons l’ancre pour Marseille. Quelle joie de partir enfin ! mais on était à peine sortis du port qu’on était arrêtés à nouveau, la base navale venant demander des renseignements. Nous étions à nous demander si nous allions partir dans la soirée car la nuit venait. Mais à 8 heures 30, nous partions de nouveau, cette fois-ci c’était pour de bon.
Le 26 au réveil, nous sommes dans les Dardanelles, détroit resserré par des coteaux incultes, parfois on distinguait quelques villes, au loin des camps anglais ou des forts presque démolis sur lesquels flottait l’emblème de la France. Nous avons croisé un paquebot français transportant des civils qui nous ont souhaité un bon voyage. A heures nous quittons la côte Européenne puis à 11 heures celle d’Asie disparaît aussi et nous sommes en pleine mer qui est déjà beaucoup plus bleue qu’avant le détroit. Nous avons eu un peu de roulis mais ça n’a pas duré longtemps. A 8 heures nous passons entre quelques îles grecques puis nous apercevons un bateau tout au large. On est donc presque seul au milieu de cette immense nappe d’eau. Le 27, nous avons un lever de soleil splendide, la mer est si calme qu’on ne voit pas une ligne, on dirait une nappe d’huile. C’est la mer Ionienne. Au large à notre droite, on distingue encore une île et on passe le reste de la journée sans rien apercevoir. Le 28, nous sommes toujours en pleine mer ; enfin à 3 heures de l’après midi, on arrive à la côte italienne ; côte montagneuse inculte au bord de la mer, on voit quelque village et à 4 heures, on voit enfin la Sicile, très montagneuse aussi, on loin, on aperçoit un volcan… C’est le mont Etna qui lâche de la fumée. Nous sommes donc dans le détroit de Messine Au bord de l’île tout au pied des monts se trouve la ville de Messine qui est importante mais qui a été déjà détruite par le volcan à côté de la ville, il y a encore deux petits monts qui fument aussi. Quel danger pour la population des environs ! Maintenant les coteaux sont cultivés, on distingue des arbres et de la vigne et beaucoup de villages aux maisons peintes de toutes les couleurs. Du côté italien, on voit Reggio, ville importante ainsi que beaucoup de petits villages. Sur la plage, il y a beaucoup de baigneurs. A la sortie du détroit se trouve un phare, puis on quitte la terre. Devant nous, tout à l’horizon, on distingue une montagne tout au milieu de l’eau ; nous n’y arrivons qu’à 10 heures du soir. C’est le Stromboli, volcan en éruption qui lâche de grandes flammes environ toutes les 5 minutes. A notre gauche, on aperçoit aussi plusieurs îlots. Le 29 nous sommes de nouveau en pleine mer, les yeux fixés vers l’avant à la recherche de la Corse que nous ne devons apercevoir que le lendemain. Que le temps nous semble long ! Enfin en pleine mer sans rien voir que quelques énormes marsouins l’impatience nous gagne car il nous tarde de mettre les pieds en terre française. A 2 heures du matin le 30, nous apercevons un phare à gauche c’est la côte de la Sardaigne. A 6 heures, on est en face de la Corse, c’est la petite France que nous avons sous nos yeux, le sol est inculte et couvert de montagnes ; sur le bord de l’eau, on voit quelques maisons de temps en temps. Enfin, on approche de la France, on le sent déjà, la température a changé, il fait plus frais, le temps est couvert et le vent souffle fort, aussi la mer est moins calme qu’hier. A 10 heures, on aperçoit un voilier vers la côte italienne tandis qu’au loin à gauche, on distingue encore la Corse. Dans la soirée, la mer est beaucoup plus agitée et nous avons été secoués un peu fort, le vent, soufflant très fort, nous ralentit un peu, aussi il est temps que l’on arrive car la mer pourrait se faire mauvaise mais il n’y en a plus pour longtemps. Pendant la nuit, la mer a été encore plus agitée ; la chaîne du gouvernail ayant cassé, nous sommes partis à la dérive et le tangage se mêlant au roulis, nous avons été secoués un peu rudement. Le 31 a été un peu plus calme mais on a continué à danser. Enfin à 11 heures 50 nous distinguons Marseille. Tout le monde était sur le pont, les yeux fixés sur Notre Dame de la Garde et sur le château d’If ; nous sommes restés arrêtés un moment avant d’entrer au port puis nous avons enfin mis pied à terre à 2 heures 40 : nous avons ancré devant le fameux Goeben si renommé pendant la guerre.http://pagesperso-orange.fr/grande.guerre/marine.html
Quelle joie de se retrouver sur la terre française : on était plus heureux que des rois. Puis le 1er septembre, je prenais le train de 6 heures à destination de chez moi ou je devais passer 20 jours de perme avant d’être démobilisé.Fini l’exil. Vivons en liberté !
St-Marc Orel

Annexe

Le 28 juillet 1918 (un an avant en pleine guerre)

Chers parents

Vous devez vous étonner de ne pas recevoir plus souvent de mes nouvelles : c’est que je n’écris pas souvent et encore vous ne les recevez peut-être pas toutes mais ne croyez pas que ce soit ma faute, je n’ai pas les moyens et souvent je n’ai pas le goût. Mais ne vous faites pas de mauvais sang, je suis toujours en bonne santé c’est l’essentiel pour le moment.Nous traversons de très dures épreuves et nous n’en sommes pas au bout mais j’ai toujours l’espoir de m’en sortir dans de bonnes conditions, on est encore en secteur et mauvais secteur, on s’attend toujours à aller se reformer à l’arrière, mais vivement l’hiver qu’on en finisse avec leurs offensives car on en est rudement dégoûté et s’ils continuent d’ici lors, il n’y restera plus un Français debout. Chez nous, il manque 2 commandants, 3 capitaines. A ma Cie, il reste un lieutenant et l’adjudant, je n’ai pas besoin de parler du reste.Malgré que j’écrive peu écrivez-moi souvent, ça me fait passer le cafard de recevoir de vos nouvelles. Je vous assure qu’on a le temps de réfléchir à beaucoup de choses, il y a des moments qui sont rudement longs et ce n’est pas fini. Nous avons toujours un temps orageux, des averses à chaque instant.Vous direz au Thin que j’ai vu Louis : il est en bonne santé, je lui ai remis son argent mais il ne va pas pouvoir en dépenser beaucoup, il est comme moi, tant que nous ne serons pas ici, on ne va pas dépenser grand chose.Comme je vous l’ai dit déjà, je suis en très bonne santé et j’espère que la présente vous trouvera de même. Je vous embrasse à toute la famille.

Orel

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